jeudi 24 janvier 2019

L'asile


Emboîtant le pas à Randolphe et au directeur du collège de Kpalimé, nous nous dirigeons vers une classe d’école débordant d’adolescents.

Le directeur fait un petit discours d’introduction pour Randolphe, qui nous partagera son expérience.
Comme à la belle époque, je m’assieds au fond de la classe ! J’ai failli dire : à côté du radiateur !

Il commence par poser cette simple question :

« Qui veut partir en Europe pour y vivre et travailler ? »

Evidemment, tout le monde lève la main ! Sauf un élève, mais il est le seul.
L’Europe reste un cliché pour ces jeunes.


Randolphe est togolais, ancien demandeur d’asile.
Soutenu par une association suisse, il témoigne dans les écoles de son pays. Il raconte son vécu en Europe, et plus particulièrement en Suisse.
Sa démarche : casser l’idée d’une Europe eldorado, pour un demandeur d'asile africain, informer les jeunes sur les dangers et les pièges de la route de l’exil.

En 2003, au port de Lomé (capitale du Togo), Randolphe embarque clandestinement sur un cargo. Il fuit la politique de son pays et rêve d’un monde moins dur.
Un petit sac avec 2 litres d’eau, du sucre, de l’huile, de la farine de manioc et quelques habits.
Rapidement, il s'aperçoit que 3 autres clandestins se cachent également entre les containers.
Dès ce moment, il vivra 4 ans d'enfer, avant de rentrer au Togo.
4 ans d’enfer dans un pays que j’aime et qui est le mien, la Suisse !!

Après une semaine de navigation, la nourriture vient à manquer. Un des clandestins se porte volontaire pour aller chercher à manger. Attrapé par l’équipage, personne ne le reverra.
A la suite de cela, le plus âgé part chercher de l’eau, mais se blesse violemment à la cuisse.

« La blessure est si profonde qu’on voit l’os. On essaie de panser sa plaie béante, mais on n’a rien ! Nous sommes impuissants et la peur nous envahi. Il perd connaissance.

Nous décidons donc de nous rendre. Commencent alors la grande bastonnade et les traitements indignes. Au lieu de soigner notre ami blessé, nous recevons l’ordre de le jeter par-dessus bord. Nous n’avons pas le choix. Je vois encore son visage nous supplier… Jamais, je n’oublierai !

Ensuite, comme dans un film d’esclavage, on nous ligote et on nous fouette. C'est difficile pour moi d'en parler. Mon ami, plus têtu, se fait violer de nombreuses fois. »

Quand vient le tour de Randolphe, le capitaine arrive et met fin à ce cauchemar. Mais trop tard pour son compagnon, qui ne survivra pas.
Le navire accoste en Italie. Et c’est finalement en Suisse, à Vallorbe, que Randolphe vivra, ou plutôt survivra durant 4 ans.

Il a quitté son pays pour des raisons politiques, mais aucune institution ne l’écoute.
Logeant dans le 3ème sous-sol d’un abri atomique, ou dormant dans les toilettes d’un appartement par manque de place, il enchaîne les petits boulots, affronte le racisme.

« J’étais souvent exploité, travaillant 14 heures par jours. Par moment, j’avais honte d’être noir ! »



Son passé le rattrape, il ne dort plus, fait des cauchemars, pense au suicide. A deux reprises, il est admis à l’hôpital psychiatrique de Prangins.
Volontairement, Randolphe décide de rentrer au pays. Il bénéficie de l’aide au retour.

Lors de son témoignage, les blancs ne sont pas mis en avant. Régulièrement, les regards des ados se tournent vers moi.

2 heures passent et le message est clair : un africain n’est pas le bienvenu en Suisse.

Arrive mon tour. Merde alors ! … Que vais-je dire ?
Je réponds à quelques questions et pas des plus simples !

« Est-ce vrai ?
Ca se passe comme ça ? 
Comment vois-tu les noirs, plus faibles ou plus forts que les blancs ? … »


Je réponds comme je peux. J’explique que très peu de suisses peuvent imaginer le contexte de pauvreté dans lequel se trouve le Togo.
Je leur explique aussi que l’Afrique est riche en matières premières. C’est elle, avec l’appuis de certains dirigeants, qui permet à l’Europe d’avoir son niveau de vie actuel.
Tout le monde éclate de rire, à l’écoute de cette vérité, sortant de la bouche d’un Yovo !

Voilà un point de vu un peu différent de notre beau pays !

Radio Togo
Tonio




2 commentaires:

  1. Chers amis,

    Encore mille merci pour ces nouvelles. Nous ne les manquons jamais. Parfois avec du retard, parce qu'on oublie un peu dans les (micro)tracas de nos existences, mais nous les lisons tous. Et le moins qu'on puisse dire c'est que vos nouvelles sont souvent dures, pas toujours celles qu'on espérait lire. Vous avez bien du courage de poursuivre et de nous raconter, avec toute la dureté de la vie togolaise.

    Nous pensons bien à vous et vous souhaitons de trouver rapidement le bon mur pour rebondir et atteindre le sommet. Bon courage et à la semaine prochaine,

    Cécile et Pascal

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  2. Merci pour votre soutient, et merci de nous lire. Sans vos lectures cela n’aurait pas de sens.
    Vive la Vie !!

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